Petits poèmes de Nuits

 

Quelques mots

Si je choisissais

Fil d'Ariane

Vie

Rêve

 

Quelques mots, quelques notes,

qui passent, qui chantent,

tantôt lourds,

tantôt légers...

 

Quelques mots, quelques notes

jettent un pont, une portée

insaisissable...

 

Où sont la Parole, et la Danse ?

dans quel tréfonds,

quelle vertigineuse altitude

où peut-être se confondent le haut et le bas ?

 

Où sont la Parole et la Danse,

entrevus, pressentis,

evanouis déjà...

 

Quelques mots, quelques notes

ephémères

qui ne se posent nulle part

et que le silence accompagne

tandis que les cordes vibrent encore

dans leur imperceptible intimité.

 

Il y a les mots qui passent

et les notes qui restent,

les notes envolées et les refrains...

et les silences, les lourds et les légers, les embarrassés et les sereins.

 

Sans silence, ni mots, ni danse,

aucun arc-en-ciel enjambant le vide.

 

Comment tisser ensemble

le dit et l'in-dicible

le mot et le silence

la danse et l'immobilité

l'éphémère et l'immuable

la présence et l'absence ?

 

Comment ?

puisque le mot efface le silence,

la danse efface l'immobilité,

l'éphémère efface l'immuable

la présence efface l'absence...

 

Comment ?

puisque le silence efface le mot

l'immobilité efface la danse

l'immuable efface l'éphémère

la présence efface l'absence...

 

Pourtant,

comme naissance et mort ils s'appellent

inlassablement.

 

Comment les entrelacer ?

trouver des mots et des silences pour dire

et des images, des clair-obscur,

coquelicots et grisailles...

 

Entrer dans la danse

et s'arrêter, immobile, avant d'y entrer à nouveau,

c'est danser une autre Danse

cosmique

où l'immobilité est silence

sur une portée nulle part écrite.

 

Quant à l'éphémère,

je sens qu'il est signe de l'immuable, justement dans ce qu'il a d'éphémère...

mais je ne sais ni pourquoi ni comment,

comble de l'insaisissable, jamais atteint,

désiré pourtant, tellement désiré...

 

Sentir de quelle absence la présence est signe,

et de quelle présence l'absence est habitée,

creusant le manque

sans fond

où s'engouffre, inlassable

le Désir.

Juin 1985

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Si je choisissais de te dire

un poëme, aimerais-tu ?

un poème qui ne soit pas d'abord dit pour moi

(pour moi m'aime ?)

voilà qui serait nouveau...mais plus difficile.

Je peux tout me dire - enfin je crois -

mais qu'est-ce que je peux te dire et qu'est-ce que je ne peux pas ?

 

Entre le non-dit

et l'inter-dit

et le mau-dit,

le mot dit quoi ?

 

Si je choisissais de te dire

un poème, qu'en dirais-tu ?

Un poème qui ne dirait rien pour commencer

qui commencerait par un silence...

Tiens, pourquoi pas par un si,

lancé comme une musique...

le rattraperais-tu ?

 

Si je choisissais de te chanter

un poème, l'écouterais-tu ?

Un poème sans mot

un chant sans bruit,

bruissement de silence

echo des profondeurs d'un océan deviné à peine...

 

Si je choisissais de t'écrire

un poème, le lirais-tu ?

Comme vieux parchemin exhumé d'un autre âge,

ou message griffonné, bouteille à la mer,

ou hiéroglyphes gravés sur la pierre,

ou traces à demi effacées sur le sable...

 

Un poème que tu devrais reconstruire

a cause des mots manquants,

mais qui peut dire les mots manquants ?

Qui peut lire le texte troué,

où s'engouffrent les courants d'air,

le souffle de profondeurs

inaccessibles

ni à toi, ni à moi...

 

Si je choisissais de te faire un poème

un poème sans mots

un poème de musique silencieuse

un poème plein de trous,

qu'en penserais-tu ?

qu'en panserais-tu ?

Juin 1985

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Fil d'Ariane

Je ne sais pas ce que je cherche,

mais je ne peux pas m'imaginer l'ayant trouvé

une bonne fois pour toutes...quel ennui (après) !

Je ne sais pas ce que je cherche

mais je ne peux pas m'imaginer ne le trouvant pas...quelle tristesse !

Je ne sais pas ce que je cherche,

mais j'aime le chercher

...recherche ni vaine ni comblée...

 

Je ne sais pas si c'est moi qui suis paradoxale,

ou si c'est l'objet de ma recherche,

mais je ne sais pas ce que je cherche

ni dans quelle mesure je le crée...

peut-être dans la même mesure que je crée

le sable, ou la mer, ou le soleil, ou l'autre...

 

Et qu'est-ce que je sais du réel derrière le sable ?

rien du tout.

Je peux toujours le chercher, il m'échappe

inconnaissable.

Et du réel derrière ce moi que je crée en cherchant,

ou que je cherche en créant ?

Je ne sais pas si je n'en sais rien du tout

ou pas grand'chose.

Ca doit être - c'est peut-être - ce que je cherche ?

Et que je ne saurais ni rejoindre ni quitter

hors de portée et tellement désirable

a la fois ici et ailleurs

maintenant, et avant - et après -

jamais et toujours présent.

 

Je ne sais pas ce que je cherche

mais je sais que je le cherche :

ainsi, au moins, je sais quelque chose !

 

Je sais que je cherche

un point d'interrogation

jaillissant de toute réponse,

explosant dans toute certitude,

vide au coeur du plein,

plein au coeur du  vide,

ouvrant ce qui est fermé,

fermant ce qui est ouvert,

impertinent et pourtant sage,

fou mais jamais fanatique,

irritant et délicieux,

familier et toujours autre,

etranger

emmerdeur irréductible

critique,

autorisant l'espoir fou

et l'interdisant du même mouvement...

 

Je crois savoir que je ne saurai jamais ce que je cherche,

pour l'amour d'un point d'interrogation

qui a poussé en moi, en même temps que moi,

et sans qui je ne me reconaîtrais plus...

D'où sort-il celui-là ?

L'avantage, de chercher un point d'interrogation,

c'est que je le trouve toujours

et que jamais il ne me comble :

l'Objet idéal, en quelque sorte !

C'est dans sa nature de ne pas m'apporter de réponse,

je ne sais ni d'où il vient

ni où je m'embarque à sa suite,

ce que je sais c'est qu'il est là

et ne me quitte pas un instant.

 

Quand j'ai fait le vide

de tout ce dont j'avais fait le plein,

et que ça commence à devenir vraiment vide

bêtement vide...

qu'est-ce que je trouve au fond,

seul impossible à jeter par-dessus bord ?

lui.

Mon vide est habité par un point d'interrogation

d'une fidélité à toute épreuve.

Sans lui, d'ailleurs, saurais-je seulement que je cherche

l'introuvable ?

Le chercherais-je seulement ?

Novembre 1984

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Vie

Pierre précieuse

prêtée, donnée ?

Que vient y faire le temps,

que vient y faire la fin ?

la faim ?

Tant de faim...

 

Pierre solide, dure,

lissée par le ressac,

polie par le rythme sans fin...

sans faim ?

cent faims ?

 

Braise

attisée précieusement

par quel souffle attentif,

qui attend,

a quelle fin ?

quelle faim ?

 

Rosée

claire, ronde, rebondie

parfaite au bord de sa fin,

larme de faim ?

 

Bulle

silencieuse, légère,

qui monte, monte, avide de quelle fin ?

Avide faim...

 

La vie serait-elle faim ?

Sa fin est-elle faim ?

Sa faim est-elle fin ?

Que deviendrait la vie sans faim ?

Sans fin?

 

Mystérieuse vie

rien d'autre n'est,

naît la vie.

 

Naît la vie

Précieuse pierre,

Braise attisée,

Rosée fraîche,

Silencieuse bulle...

 

Mystérieuse alchimie

d'où surgit la faim,

la faim de la vie,

la fin de la vie,

 

Pour que naisse

la vie.

Mars 1982

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Rêve

L'heure est ve nue

Le rêve nu

Nu le rêve ?

Déshabillé de la réalité...

 

Le rêve nu,

Quelle heure ? et de quoi ?

Venue, arrivée l'Heure

l'heure dernière,

rêve nu.

 

Voeu nu

Désir dépouillé de ses masques, de ses fards

de ses déguisements

accrochés au vestiaire des heures passées...

L'Heure est voeu nu

voeu nu le nouveau-né

a son heure Première

Eve nue,

sans masque, sans fard, sans déguisement...

Venue du fond des âges,

Eve nue

au coeur, au creux du rêve

voeu nu du désir profond

Eve nue de l'heure première

Eve nue de l'heure dernière

 

L'Heure, Eve nue,

première et dernière,

l'Heure est ve nue

 

Rêve

Rai de lumière

dansante, folle - feu follet -

Rai de lumière

ensoleillée,

entrevu, surpris, pris sur le fait,

saisi - l'insaisissable -

Eve, nue, dansant au soleil,

a son heure

sans masque, sans fard, sans déguisement - sauf de lumière -

insaisissable.

Rêve

Voeu...veux...veut...

Qui veut ? Je veux,

quel voeu ?

entrevu sur un rai de soleil dansant,

insaisissable, un peu fou...

Rêve fou

avec un chapeau pointu

magique

lutin ou sorcier

ou sorcière...

 

Sorcière, Eve nue

est venue

sur un rai de lumière dansante,

sans masque, sans fard, sans déguisement,

mais coiffée d'un chapeau pointu magique

ensoleillé, insaisissable,

fou.

 

Rêve

dépouillé de la réalité,

nu,

coiffé de son chapeau magique, qui pointe

^

le fou,

vers quel voeu,

vers quelle heure,

première ou dernière,

dernière ou première ?

 

Vers quelle Heure

erre Eve, nue ?

Dansante,

feu follet,

saisie, insaisissable,

au creux

du Rêve.

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